Coma (2)

10/07/2008 09:36

— Tu rêves ?
— Non, … Enfin oui. Disons que je laisse mon esprit divaguer.
— A quoi rêves tu ?
— Si je te le disais, tu te ficherais de moi.
— Raconte. À une vieille copine.
— Je pense à ce type à l'hôpital.
— Un médecin ?
— Non, pas un médecin. Un de mes patients. Un motard. Enfin,… ce qu'il en reste.
— Un mort-vivant alors ?
— Un mort-vivant, comme tu dis. Sauf que celui-là n'est pas comme les autres. Il me regarde.
— Comment ça, il te regarde !
— J'ai l'impression qu'il me regarde…
— C'est ridicule.
— Oui, c'est totalement ridicule. Je t'avais dit que tu te ficherais de moi.
— C'est tout ce qu'il fait ?
— Non. Il y a autre chose.
— Il te met la main aux fesses ?
— C'est malin !
— Il t'embête ?
— Mais non bien sûr, puisque je te dis qu'il est dans le coma…
— Alors il s'est passé quoi ?
— Laisse tomber. Je crois que j'ai besoin de vacances.
— Ingrid, ton métier t'épuise. Tu y mets toute ton énergie. Cette empathie, cette compassion pour les malades, c'est limite pathologique !

Ingrid n'a pas répondu et s'est allongée sur le ventre, la tête posée contre sa serviette, les yeux fermés. Sa natte lui parcourt le dos. Ses deux bras sont au-dessus de sa tête. Le soleil du soir caresse le creux de ses reins. Dans ses oreilles, le son de la plage, les cris des enfants, le bruit des vaguelettes qui déferlent. Dans ses narines, l'odeur forte du bord de mer, mélange de minéral et de parfums. Dans ses mains, le sable fin, des brindilles, de minuscules coquillages, des petits cailloux ronds qu'elle palpe du bout des doigts. Son corps se détend mais son esprit ne peut chasser cette idée saugrenue. Elle est presque sûre que ce matin, lors de la brève séance de massage quotidien, le type de la chambre 2155, Sauveur Ceccaldi, a eu une érection.