le rien et le néant (non j'ai pas autre chose en stock)

13 Octobre 2007

Introduction
Voici un texte sur le rien et le néant. Ne vous moquez pas. C'est un des sujets les plus graves que j'aie traité dans ce blogue désertique (loin cependant derrière celui des WC).

Le rien
Le rien suppose qu'il y avait quelque chose avant, qu'on a retiré pour faire place nette. Le rien, c'est donc l'absence de quelque chose auquel on s'attend. "Je n'ai rien trouvé dans la boîte aux lettres". Peut-être qu'en se penchant un petit peu et en chaussant ses lunettes, on aurait trouvé un prospectus collé contre la paroi. Un prospectus, c'est rien, mais c'est aussi quelque chose, même si on n'en fait rien. Je vais vous dire: "Je ne pense à rien". Et vous aurez du mal à me croire, car forcément on pense toujours à quelque chose. Essayez seulement de penser à rien pendant quelques minutes et le rien va progressivement céder la place à des quantités d'images plus ou moins bien maîtrisées. J'ai eu tort de regarder en l'air car j'ai vu des nuages s'effilocher dont la forme m'a immédiatement fait penser à un cheval cabré, lequel cheval m'a remis en selle pour de nouvelles pensées. Pour maîtriser le rien, j'ai fermé les yeux, mais alors la persistance rétinienne a représenté le ciel en jaune orangé. Je frotte mes yeux fermés et des lumières concentriques s'allument. Je les observe malgré moi et je suis transporté loin du rien. Le rien n'est autre qu'un espace exigu, un strapontin de la pensée, où quelqu'un vient toujours s'asseoir car le compartiment est trop plein. Bref, dans le rien, il y a toujours quelque chose. C'est plus fort que lui.

Transition
Nous dirons donc que le rien est un compagnon de la pensée – c'est pour fixer les idées et ça fait bien comme citation.

Le néant
Le néant, on en s'en sert pas. Sauf dans son sens faible, lorsque par exemple l'appareil administratif français se sert abusivement du néant pour entretenir l'angoisse de l'administré: "mention particulière: néant", ou "antécédents judiciaires: néant". Ce néant-là signifie que tout peut arriver et que vous n'êtes pas à l'abri d'une mention inopinée ou d'un antécédent futur. Non, le vrai néant, c'est bien autre chose. On ne s'en sert pas, c'est lui qui se sert. Le néant cible tout être vivant. Il peut l'atteindre d'un seul coup. On utilise alors l'adverbe "tragiquement". Ou alors par petites touches impressionnistes lorsque la sphère de vie se rétrécit peu à peu. D'abord la ville, quand on a décidé, pour votre bien, que vous ne voyagerez plus en train. Puis le pâté de maison, lorsqu'on vous retire les clés de votre Citroën (j'ai un faible pour le mot Citroën, alors pourquoi m'en priver...). Puis la maison lorsqu'on vous a trouvé hébété au milieu d'un carrefour, vos beaux yeux fous mouillés de larmes. Puis le rez-de-chaussée de la maison lorsque vous avez oublié qu'il y avait un étage. Puis une chambre dans une maison de retraite médicalisée lorsqu'on aura dû faire venir une équipe de spécialistes pour vider votre réfrigérateur. Puis une chaise roulante ou un lit à roulettes, votre dernier outil technologique – parfois muni d'une télécommande - quand la sphère vitale sera entrée dans votre cerveau et jouera au flipper frénétiquement jusqu'à faire tilt.
À moins que tout cela ne soit le résultat d'une énorme machination.

Conclusion
Ne vous faites pas de souci pour moi. Pour le moment, je n'ai rien.