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La vie dans le désert

Dialogue impromptu (V.3.0)

Elle : Une dernière lettre,..pff,... l'art de perdre son temps.

Lui : C'est un exercice de style, un rituel d'écriture, rien de plus.

Elle : Ah ouais, on voit bien que tu n'as pas accommodé les restes d'un croque-mitaine ou fait un rêve en 200 mots, sans compter le lipogramme en E en 2155 lettres entièrement dédié à la traction animale! Si je savais où il est, celui qui est derrière tout ça, je lui dirais 7 mots pour la rentrée, 7 mots en vrac...qu'il devrait déchiffrer !

Lui : 7 mots pour les 7 jours de la semaine ?

Elle : Et le septième jour, on a tous la tête comme une passoire parce qu'on approche de la date de péremption ! Je te dis: ils m'en font voir de toutes les couleurs, même pendant l'été, par 34° à l'ombre, alors qu'on pourrait glander, la tête dans les nuages...

Lui :... ou à l'ombre du figuier, vêtue de quelques grammes de dentelle.

Elle : Peut-être que ça va durer encore un an de plus, ou vingt ans encore, qui sait ? À l'époque où je connaissais bien le patron, ça ne se serait pas passé comme ça.

Lui : Cesse de ronchonner. Un soupçon de chocolat noir ? Il vient de l'épicerie de quartier.

Elle : Non merci. Cette nuit j'ai fait un rêve étrange, j'étais un ange déchu et je volais sur le dos d'un dragon. Je me suis réveillée avec une sensation de vacuité. Je suis descendue dans la cuisine. La pièce était trop calme alors je suis sortie. Dans la cour flottait une odeur de pain grillé. L'odeur m'envahissait. Une tasse de café bouillant m'attendait et puis... la crise d'angoisse... Là, dans le jardin d'hiver, deux yeux verts me regardaient. Je n'ai jamais eu aussi peur depuis l'année de mes 14 ans, quand j'arpentais les pavés de Bruxelles.

Lui : Qu'est ce que c'était ?

Elle : Le chien de mon dentiste ! Il s'était perdu dans le quartier. Quel film je me suis faite! J'étais à bout de souffle !

Lui : Joli film aussi. Un petit déjeuner en déconfiture, en quelque sorte... Allons, on dira que c'est le décalage horaire, quelques facteurs nocturnes ou de mauvais génies.  ... Ecoute mon histoire à moi. La semaine dernière, je me réveille en pleine nuit. Il y avait comme un murmure sur l'oreiller. C'était la radio, les parodies d'une chanson, puis quelques notes d'Erik Satie. Sur le rythme, j'impulse et me lève. Je vois une lumière derrière la porte. Je me dis, tiens, le fantôme de la bibliothèque est en pleines divagations. Je vais sur le balcon et là, je vois … un spectre de couleur. C'est le soleil levant et les lumières dans la plaine. J'ai eu l'impression de toucher l'été. J'ai embrassé l'aube de l'été! Je ressens un élan créatif extraordinaire. Dans mon sac à main, j'attrape mon carnet à spirale et j'écris à la femme de ma vie. Ca s'intitule "Courrier du coeur". Tu veux que je te cite des passages ?

Elle : Pourquoi pas, ça me changera les idées. Pourvu qu'il n'y ait pas de consigne impossible genre "vice et version" ou "la crise du yucca" et que ça ne se passe pas le soir d'Halloween. Au fait t'as un sac à main toi ?

Lui : Une pochette quoi, un truc d'homme. Je lis : "L'homme qui marche dans la ville inconnue, le faiseur de beaux discours, l'idiot du village plein de vaine tendresse ou le vendeur de temps ne peut savourer le miel de la vie que s'il a connu l'amour. La femme au teint d'épice traverse les volutes du temps, entre dans le bar et pose la dentelle de son regard sur lui, un peu comme si elle le regardait dans l'objectif de l'appareil photo. La roue tourne, mais elle - la femme- prend son temps. Elle le dévisage. Elle porte une petite laine. Elle était arrivée le matin même : une coccinelle dans un champ de coquelicot. Elle avait apporté des fleurs de tournesol pour faire sourire le général…"

Elle : Excuse moi si je ne comprends pas tout. C'est qui cet homme, …un idiot ou un général ? J'avoue que je pédale dans la choucroute. Et alors, … dans ce bar, la dynamique des verres à pied s'est mise en marche ? Le secret se dévoila , pfuitt ? Il lui offrit une barbe-à-papa et une pizza 4 fromages, et une nouvelle ère s'ouvrit à eux ?

Lui (imperturbable): Ce n'est ni un idiot, ni un général, c'est un musicien. Un trombone fatigué. Au pupitre, le chef d'orchestre l'a incendié. Et elle, elle regardait les flammes avec le sourire de la Joconde. Cent fois il a recommencé, mais même avec la grâce , dans l'effort on ne trouve pas les chemins vers la paix  quand on est à l'ombre de l'éléphant? C'est la conjecture du fou !

Elle : Sérieusement, ta nouvelle, tu ne vas pas l'appeler "courrier du cœur" ?

Lui : Non, je vais l'appeler : La tentation de Sarah.

Elle: Ca me fait penser à ce livre de Marguerite Duras, tu sais, le Pont sur l'Atlantique !

Lui : Tu veux dire le Barrage contre le Pacifique ?

Elle : Oui, c'est ça. Tu vois, je me suis remise à lire ! La fragrance des mots et le parfum des livres me font toujours de l'effet! J'en ai mis des dizaines dans ma lettre de Noël : "Le vieillard et la lanterne rouge", "Le conte du renard bleu", "Noces insolites", …

Lui : Tu es sûre des titres ?

Elle : Pas tout à fait, non. Mais peu importe. Je te les ferai lire, à condition que tu m'en donnes, toi aussi. Tu sais depuis mon retour des plages d'automne, quand j'ai trouvé une bouteille dans le sable, beaucoup d'eau a coulé sous les ponts. Le jour où la lettre arriva, j'ai consulté une voyante et les messages de mon répondeur téléphonique. Tous m'ont dit la même chose : une porte doit être ouverte ou fermée.

Lui : Tu parles d'une lettre ! Quelle lettre ? Les visions de Madame Irma ?

Elle : La lettre. Elle était dans la bouteille. Je me suis dit : "Il y a quelqu'un qui sait ça"

Lui : Quoi ça.

Elle : Il y a quelque chose de terrible en moi : un tache de vin bien marquée. Et voilà que je trouve une bouteille sur la plage, un "cadeau surprise", le jour de mon anniversaire qui la mentionne.

Lui: Humour et quiproquo, voyons ! C'est peut-être un blague de quelqu'un qui te connaît. Peut-être ce sacré lutin qui te regarde dormir la nuit, dans ton pyjama bleu ?

Elle : Ce n'est pas drôle. Avant de rentrer chez moi, j'ai eu une prémonition. Mon ficus n'en fait qu'à sa feuille, mais là, ils les avaient toutes perdues. Dans le bocal, le poisson était sur le dos.. Tu te rends compte : quand on est dans son bain, on peut mourir ! Mon orgueil traînait dans la boue. Mais comment sais-tu que j'ai un pyjama bleu ?

Lui: C'est moi le lutin, l'invité inopportun. C'est moi qui dépose les bouteilles dans le sable. C'est moi le trombone fatigué, fragile. C'est toi la Sarah de mon histoire, l'amante religieuse qui me coupe la tête avant le coïtus qui n'a même pas le temps d'être impromptu, encore moins interrompu. Entre nous, c'est connexion impossible, panne généralisée, page blanche, écran vide et autres miroirs aux alouettes…Sais-tu quels sont mes souhaits pour 2007 ?

Elle (tout bas): Comment dire je t'aime sans me compromettre ?

Lui : Il faut rompre les chaînes du passé, prendre un nouveau départ, faire le grand saut !! J'aimerais devenir…

Elle (l'interrompant): Après l'amour.

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P
L'art d'accommoder les restes et d'en faire un chef d'oeuvre !
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G
<br /> Merci.<br /> <br /> <br />
M
Excellent, cet exercice. Bon je n'ai pas vérifié si tout y est, mais ça vaut le coup d'oeil hein ! Félicitations donc.Il manque un raton laveur, mais bon, par ces temps de récession... A+ 
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G
<br /> Ca me donne une idée de nouvelle rubrique. Faire des textes avec des listes de courses, les jours du calendrier révolutionnaire, la tête d'affiche de la fête de l'huma, le programme télé de la<br /> semaine,...<br /> <br /> <br />