Rédigé par Gino Gordon et publié depuis
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La nuit où j'ai volé sur le dos du dragon, je suis tombé de mon lit. Encore un mauvais rêve. Le lendemain, j'ai essayé de le revendre, mon rêve. Aux Puces. Un dragon est passé par là, dans son bel uniforme rouge. On trouve de tout, aux Puces. Il a jeté un coup d'œil à mon rêve, l'a soupesé, examiné sous toutes les coutures, puis il m'a regardé dans les yeux en lissant sa moustache et m'a dit :
— Combien ce rêve ?
Je me suis dit, celui-là, je vais le faire casquer. Je lui ai répondu:
— Essayez de penser à un nombre très grand. Multipliez par un autre nombre de votre choix et ajoutez un.
Je l'ai vu se gratter le casque pendant dix bonnes minutes, avant de me dire:
— Ajoutez un quoi ?
— Un. Juste un.
— C'est du vol.
— Mais c'est un rêve tout frais, de la nuit passée. J'ai rêvé que je volais sur le dos d'un dragon.
— C'est bien ce que pensais, me répondit le dragon. J'ai bon dos.
— Mais ce n'était pas vous, le dragon!
— Ah ce n'était pas moi ! Alors qui d'autre?
Il frétillait comme un dragon et prenait les badauds à témoin.
— Un dragon, un vrai, avec une énorme gueule crachant du feu. Un dragon apprivoisé.
Il semblait perplexe.
— Un dragon de conte de fées !!
— Ça n'existe pas.
— Bien sûr que ça n'existe pas.
— Alors comme ça, vous rêvez de choses qui n'existent pas !
— Oui. Un vrai rêve doit faire rêver.
— Et bien moi, je rêve de choses qui existent.
— Par exemple ?
— Je rêve de mon cheval.
— Votre cheval ?
— Je rêve que je vais le retrouver.
— Vous l'avez perdu ?
— On me l'a volé.
— Quand ?
— Une nuit.
— Racontez-moi.
— J'étais de garde devant le palais du gouverneur. Sur mon cheval. Et puis il y a eu un grand boum et j'ai perdu connaissance. Quand je me suis réveillé, j'étais sur le dos.
— Et votre cheval ?
— Parti. Envolé. Ou volé.
— Alors combien vous me donnez pour ce rêve ?
— Rien, parce que c'est vous.
— On échange ?
— D'accord. Le rêve du vol d'un cheval de dragon sur le dos et le rêve d'un vol à dos de dragon se valent.