La douche

Elle aime ce contact brutal avec l’eau froide qui lui fait serrer les dents et provoque un tremblement incontrôlé de tout son corps. Une grimace de douleur lui déforme les traits. Les yeux fermés, elle imagine des torrents de montagne qui dévalent le long de son échine, se partagent entre son dos et sa poitrine, glissent sur son ventre et ses fesses et se rejoignent avec force dans l’entrejambe. Dans la tuyauterie, l’eau chaude monte avec langueur et se mêle aux eaux fraîches. Les yeux toujours fermés, elle sent les filets d’eau tiède mal mélangée qui glissent sur ses cheveux, le long de sa nuque, sur le creux de ses reins et provoquent mille frissons sur leur passage. Elle cherche le savon à tâtons qu’elle fait glisser sur son visage et son cou. Elle lui fait faire des boucles autour de chaque obstacle, elle le guide avec dextérité, geste banal, automatique, et bientôt la mousse couvre son corps, du moins le pense-t-elle, car elle n’a toujours pas ouvert les yeux. L’eau est chaude maintenant. Le rite immuable s’accomplit. Elle pose le savon et empoigne le shampoing qu’elle verse sans hâte sur ses cheveux courts. Elle masse son cuir chevelu et ses oreilles tout en s’écartant légèrement du jet qui lui fouette les épaules. Puis elle augmente la température, provoquant de nouveaux frissons le long de sa colonne vertébrale et reste de longues minutes sous le jet brûlant, à la limite de la douleur, figée dans une immobilité parfaite. Son esprit divague et s’éveille lentement. Quand elle est sûre que toute trace de savon ou de shampoing est partie, elle ouvre grand les yeux et la bouche et retient par jeu sa respiration. Elle n’a, à aucun moment, la moindre pensée pour sa facture d’eau.

Comments

[Gino Gordon]

On peut aussi faire une mauvaise chute dans une douche...

[clau]

la seconde douche froide ne fera certes pas le même effet  ! :-))))